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    V. - BATZ 

     

     

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    C’est une petite maison blanche, entourée d’un mur bas, que nous atteignons bientôt.

     

    Maison typique de l'Ile de Batz .

    Elle ressemble à celle qui appartenait à cette brave famille de pêcheurs de Pors Melloc

    et qui avait receuilli les deux hommes du Saint Yves.

    Pors Melloc se trouve au nord de l'île.

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    Nous frappons à la porte avec une inquiétude mêlée d’une certaine curiosité.

     

    Quelqu’un entr’ouvre prudemment la fenêtre du premier et demande qui est là.

     

    Nous expliquons notre situation à un brave homme en bonnet de nuit qui s’empresse de descendre pour nous ouvrir la porte, suivi de toute sa famille.


    Ils nous recueillent, nous offrent des vêtements secs, de rudes bleus de paysan et des sabots … buvons du café chaud autour d’un grand feu qu’ils ont allumé dans leur cuisine.

     

    Ce faisant, nous leur racontons notre naufrage sans leur dire le but de notre expédition, et apprenons que nous sommes sur l’île de BATZ.


    Le seul feu allumé dans la région est celui de ROSCOFF, à trois milles en arrière.

     

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    Voilà pourquoi, voguant vers ce dernier, nous avons rencontré l’île dont le phare, celui que nous avions aperçu la veille était éteint.

     

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    Curieux, ce besoin d’explication.


    Celle-ci apaise mon esprit surexcité par l’imprévu de notre naufrage. Je suis content de savoir qu’il n’est pas dû à ma faute …

     

    De même s’éclaire l’impossible marche de la veille au soir pour nous approcher du phare, car notre hôte nous apprend qu’il y a eu un très fort courant de marée venant de la côte.


    Il est trois heures du matin et nous songeons à notre « SAINT YVES », à sa dernière vision…


    Notre seul moyen de passer en Angleterre est détruit… Mais l’est-il bien vraiment ?


    La mer monte et il flotte peut-être encore.

     

    Nous confions cette idée à notre hôte qui hèle son voisin, pêcheur, partant pour son travail.

     

    Celui-ci propose d’explorer les environs avec son bateau et nous remmène en mer à la recherche du « SAINT YVES ».


    L’écueil sur le quel nous avons coulé est recouvert par la mer. Pas de trace de barque à l’horizon. Enfin nous reconnaissons le bout du mât qui dépasse. Nous l’accrochons avec un grappin, mais il résiste.

     

    L’épave flotte entre deux eaux, retenue par l’ancre dont l’orin trop court l’a sans doute fait chavirer, si sa coque a résisté aux rochers.


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    Claude Monnet - Voilier échoué sur la Grève

     

    Il est peut-être encore possible de le renflouer. D’après notre pilote, cela serait faisable par mer calme.

     

    Nous rentrons dans la petite crique sur cet espoir et regagnons notre ferme.


    La nouvelle s’est répandue dans le bourg et bientôt on nous avertit que le Maire du pays nous a convoqué pour vérifier notre identité.


    Rue de la mairie

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    C’est un vieil abruti qui passe au crible toutes nos explications et n’en veut rien croire. Encore un qui serait disposé à nous prendre pour des parachutistes Allemands !…


    Enfin, il « pinaille » sur les papiers du bord évidemment incomplets.

     

    J’ai eu tort de ne pas lui dire que j’avais perdu mon portefeuille et mes papiers, seuls biens que j’avais sauvés du désastre.


    Il finit par nous relâcher après avoir conservé une carte d’identité de chacun de nous, et nous avoir défendu de quitter l’île.

     

    Nous sortons vers 8 heures et comme c’est dimanche nous allons à la messe, curieusement attifés dans nos vêtements de paysans.

     

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    En sortant, nous nous rendons immédiatement sur le port consulter les gens que l’on nous dit capables de s’occuper du renflouement du navire.

     

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    Mais il n’y a rien à obtenir d’eux.

     

    La mer est trop forte, disent-ils, et leur remorqueur est en réparation.

     

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    Je ne peux me faire à l’idée que notre « SAINT YVES » est perdu et je m’épuise en démarches et en attentes qui durent toute la matinée.

     

    Entre temps, nous allons prendre une chambre à l’hôtel de la Plage.

     

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    En revenant prendre congé de notre brave fermier et reprendre nos vêtements, nous assistons à la fin de la tragédie. Le temps gris, s’est de nouveau remis à la tempête et une mer déchaînée par le vent se brise sur les rochers.


    Le « SAINT YVES » ne supportera pas cette marée là.

     

    Il ne faut plus y songer.

     

    Je ne peux retenir mes larmes. Je n’avais jamais imaginé ma profondeur de l’amour qui vous attache à votre bateau, celui qui vous a porté au milieu de la tempête, comme un être humain.

     

    Ma fatigue et mon énervement sont extrêmes. Roger, toujours semblable à l’archange Raphaël me prend en tutelle et m’entraîne à l’hôtel où nous nous couchons.

     

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    Il est deux heures de l’après-midi.


    Nous avons dormi comme jamais je n’ai encore dormi, vingt-quatre heures durant, ne nous levant qu’à l’heure des repas, d’un sommeil merveilleux et réparateur.

     

    Au milieu de l’après midi, nous nous décidons à nous lever et envisageons notre situation.

     

    Elle est plutôt mauvaise.

     

    Plus de navire, plus d’argent français, impossible de passer en Angleterre.

     

    La perspective de rentrer à la maison pour devenir de bons Allemands ne nous sourit guère.

    80504.jpg Roger, toujours le même, a une inspiration :


    « Allons voir Monsieur le Curé » dit-il.


    Si l’idée n’est pas neuve, elle est bonne.


    Nous voilà repartis à travers la ville.

     

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    Notre accoutrement est assez curieux : pour ma part, j’ai à un pied une espadrille et à l’autre un soulier haut revenu sans son frère parmis les épaves ramenées à la côte.

     

    Arrivés près de l’église, nous rencontrons un des hommes que nous avons vu sur le port la veille et lui demandons où se trouve la cure.

     

     

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    A notre grand étonnement, il répond d’un air plutôt mystérieux :


    - « Vous n’avez pas besoin d’un service ? »

    -  « ???… Non » faisons-nous, « merci bien »

    - « Si, si, je suis sûr que vous avez besoin d’un service »

     

    Nous nous regardons sa,s le comprendre. Enfin, il se décide.

     

    - « Vous avez voulu passer en Angleterre ? »

     

    Roger et moi nous consultons du regard.

     

    La figure de l’homme est franche et il nous a rendu service la veille.

     

    - « Oui », répondons-nous.

    - « Je le savais bien », dit-il, « nous voulons aussi passer en Angleterre avec une dizaine de jeunes de l’île. Voulez-vous venir avec nous ? »


    Nous acceptons avec empressement.

     

    Il nous apprend le rendez-vous des membres de l’expédition a lieu à quatre heures chez le propriétaire du bateau.

     

    Puis il nous accompagne chez le curé, son ami. C’est un très brave ancien combattant qui nous reçoit aimablement et approuve notre projet.


    Le petit groupe est rassemblé dans un jardin et, à ma grande surprise, parmi mes futurs compagnons se trouve Etienne R…, un de mes camarades de Stanislas où il préparait l’Ecole de l’Air.

     

    Nous lui expliquons notre situation. Lui-même, étant en villégiature à SAINT-POL-DE-LEON, à quelques kilomètres de là, et mis au courant de l’expédition, s’y est joint.


    L'équipe se compose de jeunes gens du pays et de quelques hommes mûrs.

     

    Leur plan est simple.

     

    Le propriétaire du voilier à moteur assurant le service BATZ-ROSCOFF le met à notre disposition et nous partirons le soir même à huit heures.

     

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    Nous allons tous les trois dîner à l’hôtel et préparer notre modeste bagage.

     

    Situation de la plage des hôtels dont faisait parti l'hôtel de la plage

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    Hélas !… ces beaux projets n’ont pas tenu compte de la bêtise humaine.


    Nous le voyons bien en arrivant au lieu de rendez-vous. Un bruit de violente dispute et de voix avinées nous fait comprendre que le départ a été copieusement arrosé.

     

    Triste perspective !…


     

     

    A DEMAIN POUR LA SUITE


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